Étire ta langue

Poésies et pensées vagabondes


Tranches de livre – extrait 17

Plus nous nous accrochons aux choses, plus nous sommes prêts à nous agiter pour les défendre. Ce petit jeu le démontre bien mieux qu’un long discours. Qu’en penses-tu ?

J’étais d’accord, mais un détail me chiffonnait. Et je n’attendis pas pour le questionner.

La violence qui est apparue, qui as envahi mes membres et mon esprit, je l’ai nettement sentie, mais pourquoi parlez-vous de violence au dehors ?

Lorsqu’une émotion éclot en toi, lorsque tu la laisses s’exprimer librement, tu peux observer qu’elle touche le monde environnant, elle éclabousse tout ce qui est autour. Nous ne sommes pas isolés et le monde ne reste pas passif devant les mouvements intérieurs qui secouent les êtres vivants. Lorsque tu sèmes des graines de légumes ou seulement de l’herbe, le résultat ne dépend pas que de la terre ou de l’eau, enfin de toutes les conditions matérielles que tu installes. Il dépend aussi de l’humeur ou de l’état de conscience du jardinier, de la qualité de son lien au monde.

Je ne voyais pas de quoi il voulait parler, son discours devenait plus hermétique, plus mystique.

Mais de quelles manifestations parlez-vous en ce qui concerne le petit jeu auquel je me suis prêté ?

Regarde ! Il pointait du doigt le sol. Toutes les pierres que tu as déplacées, la poussière que tu as soulevée. Ce serpent qui a fui sous l’effet de tes gestes brusques et incontrôlés. Les oiseaux au loin qui ont tourné leur tête vers toi. Et tant de choses que nous ne connaîtrons jamais. Chaque geste que nous produisons se répercute sur tout notre environnement à l’infini. Et certainement que chacun de ces gestes est lui-même une répercussion. Un niveau d’attention plus aigu permet de se placer plus justement dans cette chaîne d’évènements. Une qualité d’action qui se base sur une volonté d’économie, sur un meilleur respect de la vie.

Je n’avais rien à répondre à ces derniers mots, le silence en profita pour s’installer. Les paroles sont comme des feuilles mortes fouettées par le vent. Elles se soulèvent et font la ronde en tourbillonnant. Le vent lui, est comme l’agitation de nos pensées, on ne sait d’où elles viennent ni où elles veulent aller. Lorsque le vent se calme, les feuilles retombent sur le sol, sans jamais retrouver leur place précédente. Au prochain mouvement du souffle elles iront plus loin et s’éparpilleront dans un espace nouveau. Nous nous prenons souvent dans les pièges des mots, toujours sûrs qu’ils savent tisser le pont entre les hommes. Mais aussi souvent on se trouve déçu de voir que le pont était en papier, qu’il a croulé dès les premiers pas. Le silence lui, déçoit rarement ceux qui lui font la place. Le silence de ce moment ne me déçut pas. Il nous enveloppa telle une couverture. La nature tout autour semblait plus vivante, les plantes et les arbres plus verts, et le mistral passait sans nous déranger. Je savais ne pas comprendre intellectuellement la totalité de ce que j’avais entendu, mais je ressentais dans mon corps la trace d’une expérience essentielle. Je compris également les trésors à découvrir au sein de cette relation. Le soleil déclinait doucement, je ne souhaitais pas que cette rencontre prenne fin avec le jour.



4 réponses à « Tranches de livre – extrait 17 »

  1. Bonheur de lire…Merci Juan💙💙💙

    Aimé par 1 personne

  2. Cest un bonheur d’écrire lorsque ça apporte du bonheur

    Merci à toi Barbara que j’embrasse du fond du coeur.💖

    Aimé par 1 personne

  3. L’aile du papillon…

    Superbe…

    Merci Juan, douce journée à toi 🌼🌼🌼

    Aimé par 1 personne

    1. Douce journée à toi aussi Francine

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer