Étire ta langue

Poésies et pensées vagabondes


Tranches de livre – extrait 27

J’ouvrais les yeux pendant que les images de ce souvenir s’élevaient en volutes. Manter me regardait fixement.

Alors, on se souvient que cette expérience n’est pas si rare ?

Comment pouvez-vous savoir ce qui se passe dans ma tête ? Dis-je avec stupéfaction. Vous me bluffez hein ?

Oh, j‘ai bien vu les signes sur ton corps. Ton esprit lui racontait une histoire saisissante, un morceau de vie qui appartient au passé. Tu viens de te souvenir d’un autre moment de liberté, pas vrai ?

Vous ne vous trompez pas… un « sacré » souvenir m’a emporté. Je renouais avec les sensations extraordinaires qui peuplaient ce moment fabuleux, cette fantastique rencontre. Je lui racontai tout dans les moindres détails et il m’écouta sans m’interrompre. Puis je finis par lui dire : « Manter, pensez-vous que ce soit possible d’entrer en communication avec les animaux comme je l’ai cru ? Ou fut-ce une foutue illusion de ma part et dans ce cas j’ai réellement risqué ma vie comme un imbécile ? ».

Je suis sûr que tu connais déjà la réponse. Cette question n’est pas étrangère au thème que nous venons d’aborder. Lorsque nous ne fonctionnons pas selon les principes étroits de la raison, la communication silencieuse devient possible. Plus facile même qu’avec ces langues sophistiquées que les humains ont élaborées depuis des millénaires. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’on peut tout se permettre. Le fait que ce lion ne t’ait pas dévoré est un mystère en ce qui me concerne. Je ne sais pas comment tu as fait cela.

Je n’ai rien fait d’autre qu’écouter ce qui me parut être la voix du fauve.

Et bien, tu es encore de ce monde, tu as sans doute eu raison. J’accepte l’idée que cet animal t’ait réellement adressé la parole. Il se passe des choses vraiment extraordinaires lorsque nous abordons le monde avec l’autre partie de nous-mêmes. Avec celle qui sent.

J’avoue ne pas être capable de comprendre clairement ce que vous dites. Il y a donc une partie de mon cerveau qui sent, et l’autre que fait-elle précisément ? De l’arithmétique ! dit-il d’un ton professoral. Des calculs. Regarde ! Il pointait du doigt la direction de l’Est. Vois-tu cet arbre que le vent a couché ?

Je le voyais, c’était un pin au tronc droit et long de cinq mètres. Il gisait à deux cents pas de là, posé sur ses branches. Il avait dû toucher le sol sans bruit. Le mois de juin jetait son feu et l’air était empli de senteurs, celle de la résine des conifères, celle des pollens, celle de la terre et des pierres. Infatigables, les cigales craquetaient sans cesse. Plus il faisait chaud et plus leurs « chants » étaient stridents. Les mésanges occupées par leur quête de chenilles et autres insectes ne comptaient plus les allers- retours de leur nichée au taillis. Dès qu’elles se posaient sur le rebord du nid, les vibrations alors produites sortaient de leur léthargie les quatre ou cinq oisillons nus qui se redressaient fébrilement, leur bec jaune le plus grand ouvert possible.



3 réponses à « Tranches de livre – extrait 27 »

  1. j’adore…et je ressens…
    merci Juan❣

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  2. Je n’en doute pas, et j’adore ta sensibilité.

    Aimé par 1 personne

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